Le rôle du syndic dans le Plan pluriannuel de travaux

La loi Climat et résilience lui a conféré un rôle essentiel dans l’élaboration et le suivi du Plan pluriannuel de travaux (PPT). De bout en bout. A lui d’enclencher le processus avec le Projet de plan pluriannuel de travaux (3PT), à lui aussi de suivre les travaux qui, plus tard, découleront du PPT. Rencontre avec Gilles Frémont, président de l’ANGC (Association nationale des gestionnaires de copropriétés).

Quel rôle le législateur prévoit-il pour le syndic ?

« Le syndic est d’abord là pour appliquer la loi. Puisque le Plan pluriannuel de travaux est prévu par l’article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965, à lui donc de s’assurer qu’il soit mené à bien. Et ça commence par le Projet de plan pluriannuel de travaux (3PT).

Il n’y a pas d’ambiguïté possible : à l’expiration d’un délai de 15 ans à partir de la réception des travaux, le 3PT doit être élaboré. Sauf lorsque l’immeuble est composé à 100% de lots tertiaires. Autant dire que la majorité des copropriétés sont désormais concernées puisque depuis le 1er janvier 2025 la loi s’applique quel que soit le nombre de lots. »

Concrètement, comment cela se passe-t-il ?  

« En pratique, le syndic va inscrire à l’ordre du jours de l’AG l’examen de plusieurs devis d’entreprises réalisant le 3PT. Pour un immeuble de 20 à 25 lots –c’est la moyenne à Paris -, il n’est pas nécessaire de démultiplier les devis, selon moi, trois sont suffisants. Pour donner quelques repères, il faut compter en moyenne 5.000 euros pour un 3PT sérieux. Après naturellement, selon la taille de l’immeuble, selon sa configuration, son état d’entretien, le prix peut varier. »

C’est donc bien le syndic qui enclenche le 3PT…

« Oui, mais son rôle ne se borne pas à recueillir des devis et à les présenter en AG pour satisfaire à une obligation réglementaire. On ne va pas demander aux trois entreprises qui ont réalisé des devis de venir en AG. Il revient donc au syndic d’expliquer la réglementation, le déroulement du 3PT, sa vocation, ce qu’il contient, ce qu’il peut apporter à la copropriété, les risques encourus aussi lorsqu’il n’est pas réalisé… Par exemple, l’autorité administrative, la commune, l’intercommunalité ou le préfet, peuvent très bien réclamer ce 3PT à n’importe quel moment, et en cas d’absence déclencher sa réalisation aux frais de la copropriété.

C’est bien au syndic de mener cet exercice pédagogique en expliquant que le 3PT ne se résume pas seulement à une obligation réglementaire, et qu’il peut aussi être un véritable outil pour la copropriété lorsqu’il est correctement réalisé. »

L’AG a retenu un prestataire, quel rôle joue désormais le syndic ?

« La réalisation du 3PT exige une analyse documentaire en amont. L’auditeur aura besoin d’un maximum de documents : les factures d’énergie, les diagnostics amiante ou plomb, les plans, les contrats d’entretien… Cet exercice suggère donc un gros travail administratif pour le syndic. Cela peut aussi conduire à la mise à jour de certains documents : dans bien des cas, le syndic s’aperçoit par exemple que des diagnostics ne sont pas à jour.

Le travail de l’auditeur ne s’effectue pas seulement sur la base de documents, il a aussi besoin de visiter l’immeuble, les parties communes et certaines parties privatives. Le syndic connaît bien l’immeuble, il peut donc aider dans le choix d’un échantillon représentatif des logements. »

L’auditeur a visité l’immeuble, il a remis son rapport…

« Dans un rapport, on trouve beaucoup de photos, des rappels de la réglementation, et bien sûr des préconisations de travaux estimées et hiérarchisées puisque c’est sa finalité. Malheureusement, certains 3PT manquent aujourd’hui de détails, et apparaissent trop standardisés sans aller suffisamment loin dans l’analyse du bâti. Par exemple, sur Paris, les souches de cheminées sont rarement examinées, même lorsque l’auditeur a la possibilité de jeter un œil par une fenêtre de toit.

Il est essentiel que le rapport aille plus loin dans l’analyse. Pour les immeubles des Trente glorieuses, concernés au premier chef par la rénovation énergétique, je conseille souvent de réaliser plutôt un DTG (Diagnostic technique global), plus cher, mais aussi plus complet. Le DTG comme le 3PT permettront à la copro d’élaborer le Plan pluriannuel de travaux. »

Comment ce 3PT devient-il PPT ?

« Dans un premier temps, le syndic doit le communiquer au conseil syndical afin de savoir ce qu’il compte en faire lors de la prochaine AG. La réglementation impose de présenter le 3PT à la prochaine AG, en présence de l’auditeur qui viendra réponde aux questions.

Est-ce qu’on se contente simplement de présenter le 3PT en AG ? Dans la vraie vie, c’est souvent l’option retenue. L’AG pourra alors décider d’un échéancier : la réfection de la toiture en 2027, le remplacement de la chaudière en 2028, etc. C’est une résolution de principe sans engagement. Le rôle du syndic sera ensuite d’inscrire ces travaux à l’ordre du jour année après année, jusqu’à leur réalisation. Bien entendu, ce planning reste une intention, l’AG peut très bien ne voter aucuns travaux. »

Mais ce n’est pas la seule option…

« Non, le conseil syndical peut aussi enclencher des études pour un appel d’offres avec un maître d’œuvre. De sorte qu’à la prochaine AG soit présenté à la fois le 3PT et les devis d’AMO pour tout ou partie des travaux préconisés par le 3PT.

Il existe aussi un autre cas de figure, lorsque le 3PT laisse apparaître la nécessité de travaux urgents. Le syndic joue son rôle afin de préserver le patrimoine, en demandant des devis et en inscrivant ces travaux directement à l’ordre du jour de l’AG. »

Finalement, le rôle de conseil du syndic semble encore accentué avec le 3PT…

« Le syndic a toujours joué ce rôle de conseil, cela fait partie de ses obligations. Il n’est ni avocat ni architecte, son conseil reste généraliste et s’appuie sur des sachants. Lorsque nous votons des travaux, nous demandons à l’architecte de venir en AG. Cela vaut aussi pour le 3PT.

En pratique, la copropriété demande souvent l’avis du syndic, formé et mieux informé par nature. Ce n’est pas nouveau, mais ce rôle s’est encore accentué avec la loi Climat et résilience. Nous le voyons très bien aujourd’hui, sur des questions de droit, avec les interdictions de location pour les logements classés en G. Nous expliquons comment les copropriétaires peuvent rester dans les clous, en réalisant des travaux sur leurs parties privatives ou dans les parties communes. Face à l’inflation législative des dernières années, les copropriétaires sont souvent perdus : le syndic doit alors se montrer très pédagogique. »